La thermique des APN
Variant suivant divers paramètres, la température du capteur d'un appareil photo numérique évolue dans le temps et influence la qualité des résultats. Démonstration sur un Canon EOS 350D.
L'avènement des appareils réflexes numériques permet à nombre d'amateurs d'astronomie de s'initier à l'imagerie grand champ à faible coût. Une bonne caméra CCD avec un capteur d'environ 15*22 mm coûte au minimum 3500 euros, contre seulement 350 euros pour le Canon EOS 1000D, ou environ 300 euros pour le canon EOS 350D d'occasion. Du point de vue électronique, la caméra CCD est plus sophistiquée qu'un simple APN. Elle a été prévue pour faire de l'imagerie faible flux, donc pour permettre des temps de pose de plusieurs minutes. Les APN sont eux conçus pour une application grand public, avec des poses dépassant rarement quelques secondes. Les astronomes amateurs ont donc détourné leur fonction première en posant plusieurs minutes pour imager le ciel profond.
Coup de froid sur les CCD
Entre APN et CCD, il existe beaucoup de différences techniques mais le refroidissement de ces dernières est une constante, pour diminuer ce que l'on appelle les pixels chauds. Sur une matrice CCD, les principe est que chaque pixel va transformer la lumière qu'il reçoit en électrons, donc en courant électrique. Hélas, les pixels émettent de temps en temps des électrons qui ne sont pas issus de grains de lumière. C'est ce que l'on appelle le courant d'obscurité. Une propriété de ce courant d'obscurité est qu'il est d'autant plus faible que la température est basse. On refroidit donc les CCD pour diminuer ce courant.
Le fait de refroidir la CCD, typiquement 20°C sous la température ambiante, permet de diminuer fortement ce courant mais pas de l'annuler. Les astronomes font donc ce que l'on appelle des darks pour soustraire cette information erronée de leurs images. Avec une CCD, la température est contrôlée à une fraction de degré près. On maîtrise donc parfaitement cette opération.
En revanche, avec les APN, aucun contrôle de température n'est effectué. La température évolue donc en fonction du temps, et avec elle la quantité de courant émise par chaque pixel. Le risque est que même en faisant des darks en fin de prise de vue, lors de leur soustraction à l'image de l'objet, il reste des points mal traités dans l'image parce que le température est montée descendue pendant le prise de vue.
On peux intégrer un capteur de température juste derrière le capteur CMOS pour visualiser l'évolution de la température au cours des prises de vue. Ceci en vue de se constituer une bibliothèque de darks à différentes températures comme le font les CCDistes.
Evolution de la température d'un 350D
Trois paramètres peuvent influencer la température du capteur CMOS de l'appareil photo. Le premier est le fait que l'électronique chauffe. Das le cas des APN, rien n'est prévu pour limiter le transport de chaleur entre l'électronique et le capteur CMOS. Le second paramètre est l'évolution de la température extérieure durant les prises de vue, laquelle ne peut être maîtrisée en astrophotographie. Le troisième est l'influence du temps de pose sur la température de l'électronique, et donc du capteur CMOS.
Pour faire les tests dont les résultats sont présentés ci-après, l'APN a été placé dans un réfrigérateur pour réguler la température vers les 5°C, puis dans une pièce pour réguler vers 21 °C. Un étuve a ainsi été simulée, bien qu'avec une précision moindre sur la température. C'est pourquoi les graphiques présentent en même temps la température de l'APN et celle de l'air ambiant.
Influence de l'électronique de pilotage
L'APN a donc été placé dans le réfrigérateur avec une température de stabilisation vers les 5°C, puis les prises de vue ont commencé. La courbe rouge nous montre l'évolution de la température du capteur CMOS au cours du temps avec des prises de vue de 5 minutes. Ce temps de pose est souvent utilisé en astrophotographie. La courbe en pointillés représente la courbe de tendance de la température de l'APN. On remarque aisément 2 zones distinctes. La première qui s'étend sur les 130 premières minutes ( jusqu'au trait vertical sur le graphe), soit un peu plus de 2 heures, est la montée en température de l'APN. La seconde est la stabilisation de l'APN après ces 2 heures. Même si on continue à poser, la température n'évolue plus. Il faut donc environ 2 heures à un APN qui effectue des poses pour se stabiliser. Ce temps est long mais bon nombre de photographes effectuent des séances d'imagerie de cette durée. Pendant ce temps, la température du capteur CMOS n'est donc pas stabilisée et peut, comme l'indique la courbe, varie fortement. La différence de température est de 14°C, ce qui est loin d'être négligeable sur le courant d'obscurité. On considère que le courant d'obscurité est divisé par 2 tous les 6 ou 7°C. La différence de 14°C nous amène donc a avoir un courant d'obscurité 4 fois plus fort à la fin du test qu'au début.
Influence de la température extérieure
Pour ce test, il a été attendu que l'appareil soit en température ( 2 heures) dans le réfrigérateur, puis il a été sorti à l'extérieur. On est donc passé brutalement de 5°C à 20°C. On voit aisément que la température de l'APN suit immédiatement la montée en température en suivant son cycle de départ. Le cycle semble identique lorsque l'on change de température, c'est à dire que l'appareil va mettre de nouveau environ 2 heures pour se stabiliser. On remarque également qu'une variation de 15°C induit une variation de 15°C au niveau du capteur. La température du capteur CMOS a donc un lien direct avec la température extérieure au cours de la nuit.
Ce qui signifie que si la température change au cours de la nuit, la température de stabilisation de l'APN va également fluctuer. Ceci est un inconvénient pour optimiser ses darks. D'autant plus que la nuit, les températures peuvent facilement varie de plus de 5°C, ce qui deviens non négligeable par rapport à la température du capteur de l'APN.
Influence du temps de pose
Pour cette manipulation, l'APN est toujours dans le réfrigérateur, mais au démarrage, des poses de 1 minutes ont été faites, puis des poses de 3 minutes et enfin des poses de 10 minutes. On remarque bien que le temps de pose a une influence sur la température du capteur CMOS de l'APN. Mais si on y regarde de plus près, entre les poses de 1 minute et les poses de 10 minutes, la température n'augment que de 2°C, soit environ 10% d'écart. Cela veut dire que le temps de pose a une influence mais que celle-ci reste faible, contrairement à la température induite par l'électronique de pilotage en mode longue pose.
Il serait intéressant de vérifier avec les derniers Canon munis du mode LiveView (modèles 40D, 1100D, 60D, ...) l'effet de celui-ci. On peut cependant facilement extrapoler en disant que le mode LiveView va faire chauffer l'électronique par une utilisation intensive de celle-ci, et donc augmenter le courant d'obscurité au niveau du capteur. Des mesures de courant montrent que le mode LiveView consomme 30% de courant supplémentaire par rapport à une prise de vue classique, soit 30% d'énergie supplémentaire qui peuvent chauffer le capteur fortement.
En conclusion
On voit qu'un APN est soumis à plusieurs paramètres qui influencent la température du capteur. Le paramètre le plus important est le temps de chauffe de l'appareil lui-même, qui est d'environ 2 heures. Le second paramètre est la température extérieure qui fluctue. Pour essayer de pallier cet inconvénient, on peut pour quelques dizaines d'euros intégrer un capteur de température derrière le capteur CMOS et créer une bibliothèque de darks avec des paliers de 5°C pour en restreindre la quantité.
Les logiciels sont capables de limiter l'effet de la fluctuation des darks mais une bonne série de darks à la même température que les prises de vue est toujours souhaitable et mieux corrigée lors du prétraitement des images.
Un peu plus loin avec la température
Les dernières génération d'APN sont dotés en interne d'une sonde de température.Celle-ci se trouve non loin du capteur CMOS ce qui lui permet de donner une image plutôt fidèle de la température. Grâce à celle-ci, on peut désormais se passer d'un modification en "dur" de l'appareil. Les donnée de cette sonde sont inscrites dans les fichiers RAW de votre appareil. Les amateurs étant des personnes sympathiques, ils ont développé un petit logiciel qui permet de récupérer ces données : http://astronomie-astrophotographie.fr/download-cdta.html. A nouveau : bonne bibliothèque de darks